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tours de la ville, calculant six vingts du cent, et tenant compte des demies, comme on fait pour les bouteilles ; comprenant aussi les diverses dénominations d’imitateurs, traducteurs et auteurs de lettres familières, etc. Un de ceux-ci a dernièrement régalé la ville d’un morceau original, d’un morceau que, j’ose le dire, feu le Spectateur anglais, à son déclin, aurait appelé « un excellent spécimen du vrai sublime, » ou « un noble poëme ; » ou « une belle pièce de vers, sur un sujet parfaitement neuf, » l’auteur lui-même ; et lui aurait donné place parmi ses dernières élucubrations.

Mais, comme je disais, tant de poètes, j’en suis convaincu, suffisent pour défrayer une corporation, sous le rapport du nombre. Puis, pour les divers degrés de membres subalternes nécessaires à un tel corps, on ne manquerait de rien ; car, bien que nous n’ayons pas un seul poète de premier ordre, nous regorgeons de marguilliers et de bedeaux ; ayant une multitude de poètereaux, poètes de pacotille, singe-poètes, philo-poètes et autres beaux esprits de bas étage, mais très-entichés de la chose, qui sont, de beaucoup, plus nombreux que tout le reste. Et je n’aurai jamais de repos que ce mien projet (dont je me sais sincèrement bon gré) ne soit mis en pratique. Je brûle de voir le jour où nos poètes formeront un corps régulier et distinct, et se rendront auprès du lord maire aux jours officiels, comme les autres bons bourgeois, en robes à parements verts, au lieu de laurier, et quand moi-