Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à jurer comme il lit le français, ore rotundo. L’impiété, auparavant, était pour lui un habit des dimanches ; mais, en fréquentant le théâtre, jurer, sacrer et mentir devient son costume de tous les jours, habit, veste et culotte. Or, dis-je, les jurements, produit de cette contrée aussi abondant que notre blé, cultivés ainsi par le théâtre, pourraient, avec de l’adresse, être d’un merveilleux avantage pour la nation, comme l’a amplement prouvé l’auteur du projet d’établir une banque de jurements. Enfin, la scène en grande partie défraye la chaire ; car je ne vois pas ce que nos théologiens auraient à y dire contre la corruption du siècle, sans le théâtre, qui en est le séminaire. D’où il ressort clairement que le public gagne à avoir un théâtre, et conséquemment devrait le soutenir ; et si j’étais digne de dire mon mot, ou d’en remontrer à mes supérieurs, j’expliquerais de quelle manière.

J’ai ouï dire qu’un certain gentleman a grandement dessein de servir le public sous le rapport des distractions, s’il est dûment encouragé, c’est-à-dire, s’il peut obtenir une subvention, ou salaire annuel et honnête contribution ; et bien digne il est des faveurs de la nation, car, pour lui rendre justice, il est d’une habileté peu commune en fait de divertissements, ayant tourné toutes ses études de ce côté, et fait bien des lieues sur mer et sur terre, pour acquérir ce profond savoir. Dans cette seule vue, il a visité toutes les cours et grandes villes de l’Europe, et s’est donné plus de peine que je ne le dirai, pour