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pourrais ajouter que, sans nos écrivains, la nation serait en peu de temps complètement destituée de torche-culs, et devrait de toute nécessité les faire venir d’Angleterre et de Hollande, où ils les ont en grande abondance, grâce au travail infatigable de leurs propres beaux-esprits ; tout cela considéré, dis-je, mon humble opinion est qu’il serait digne de la sollicitude de nos chefs de choyer les gentilshommes de la plume, et de leur donner ici tous les encouragements convenables. Et puisque je suis sur ce sujet, je dirai ma pensée très-librement, et si j’ajoute impertinemment, ce ne sera point aller au delà de mes droits de Breton.

Sérieusement donc, je déplore, depuis maintes années, que nous n’ayons pas une Grub Street dans notre grande et civilisée capitale, à moins qu’on ne puisse donner ce nom à la ville tout entière. Et ceci, je l’ai considéré comme un défaut impardonnable dans notre constitution, depuis que j’ai eu des opinions que je pouvais appeler miennes. Chacun sait que Grub Street est un marché pour les petits artistes du bel esprit, et aussi nécessaire, au point de vue de la purgation habituelle du cerveau humain, que le nez l’est sur le visage de l’homme ; et pour la même raison, nous avons ici une cour, un collége, un théâtre et de belles dames, et de beaux messieurs, et de bon claret, et abondance de plumes, d’encre et de papier, exempts de taxes, et tout ce qui peut en outre stimuler l’esprit ; et pourtant ceux dont c’est le devoir n’ont pas jugé conve-