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ne conseillerais aucunement à un jeune homme de débuter dans le panégyrique, outre le danger qu’il offre ; car un éloge particulier engendre plus de mauvais vouloir qu’aucune invective générale, ce dont je n’ai besoin de vous donner aucune raison ; c’est pourquoi je vous conseille de vous servir plutôt de la pointe de votre plume que des barbes : que votre premier essai soit un coup d’éclat dans le genre du libelle, du pamphlet ou de la satire. Jetez-moi bas une vingtaine de réputations, et la vôtre grandira infailliblement ; et pourvu que ce soit avec esprit, il n’importe que ce soit avec peu de justice, car la fiction est votre commerce.

Tout grand génie semble à cheval sur le genre humain, comme Pyrrhus sur son éléphant ; et le moyen d’avoir un ascendant absolu sur votre bidet rétif et de conserver votre assiette, est, la première fois que vous le montez, d’user largement sur lui du fouet et de l’éperon, après quoi, vous pouvez voyager fort lestement le reste du jour. Lancez une ruade au monde, et le monde et vous vous vivrez ensemble en assez bonne intelligence. Vous ne pouvez pas ignorer que ceux de votre profession ont été appelés genus irritabile vatum, et vous jugerez nécessaire de vous monter au ton de cette irascible société, en exerçant votre talent satirique à la première occasion, et de renoncer à votre bon naturel, rien que pour prouver que vous êtes un vrai poète ; ce que vous reconnaîtrez être une importante considération. En un mot, un jeune voleur est ordinai-