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derne, en faire à leurs dépens ou en tirer d’elles ; et, à vrai dire, sans elles je ne sais pas où nos faiseurs de pièces de théâtre prendraient leurs images, allusions, comparaisons, exemples ou même leur langage. Fermez les livres saints et je gage que notre esprit descendrait comme un réveille-matin ou dégringolerait comme ont fait les fonds, et que ce serait la ruine de la moitié des poètes de ces royaumes. Et si tel était le cas, combien les écrivains de cette catégorie (tous, je pense, excepté l’immortel Addison, qui a fait un meilleur usage de sa Bible, et quelques autres), qui ont si largement fait ce commerce, se réjouiraient de s’en être retirés à temps et d’avoir laissé la présente génération de poètes en être la dupe.

Mais ici je dois vous prémunir, et vous prier de prendre garde que dans ce conseil de lire les Écritures, je n’ai pas tenu compte le moins du monde de votre aptitude sous ce rapport à entrer dans les ordres poétiques ; ce que je mentionne parce que je trouve une idée de cette espèce mise en avant par un de nos poètes anglais, et soutenue, je suppose, par le reste. Il dit à Spenser, dans une prétendue vision :

« M’imposant les mains, ordonnez-moi et me rendez propre à la grande cure et au ministère de l’esprit. »

Passage qui dans mon opinion est une allusion notable aux Écritures ; et qui, en ne faisant qu’une part raisonnable à la petite circonstance de l’impiété qui touche de près au blasphème, est d’une