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Des Livres.

Ces Eſprits, qui hantent les Bibliotheques, ſont généralement d’un naturel fort inquiet : &, ſur-tout, ceux, qui appartiennent aux livres de controverſes, ſont d’une violence, & d’une fougue ſi épouvantable, que les Bibliothecaires ſont obligez de les releguer dans quelque coin à part ; la prudence de nos Ancêtres eſt allé même juſqu’à les lier de Chaines de fer[1], pour empêcher leurs violences, & pour les forcer à la Paix. Voici le motif qui leur inſpira cette penſée ſalutaire. Dès que les Ouvrages de Scot parurent dans le monde, on les plaça dans une certaine Bibliotheque très-fameuſe, & on leur aſſigna leur quartier ; mais, à peine cet Auteur fut-il établi dans ce ſéjour, qu’il ałla faire une viſite à ſon Maitre Ariſtote. Après les complimens ordinaires ils firent une Conſpiration contre Platon qu’ils réſolurent de ſaiſir par force, & d’aracher du poſte qu’il avoit ocupé parmi les Theologiens, depuis plus

  1. Les Livres, dans les Bibliotheques publiques en Angleterre, ſont atachez aux planches par de petites Chaines, afin qu’on ne les emporte pas