Page:Swift - Le Conte du tonneau - tome 2 - Scheurleer 1732.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
Bataille

çûë ; ſoit qu’il arrive dans les Bibliotheques ce qui eſt ordinaire dans les autres Cimetieres, où l’on prétend qu’un certain Efprit, ou une certaine Ombre, rode autour du Monument, juſqu’à ce que le Cadavre ſoit entierement réduit en pouſſiere[1].

  1. Toute cette Allégorie eſt pleine de Beautez ; & il eſt difficile de trouver aucune Production de l’Eſprit humain, où il y ait tant de feu tant de force d’imagination, & une ironie auſſi fine. Il faut pourtant avouër, qu’elle eſt extrémement forcée, & que l’Imagination du Lecteur a de la peine à ſe prêter à des Livres, qui ſont armez de Cuiraſſes, de Javelots, &c., qui montent à Cheval, qui ont des bras, des jambes, une tête. La Vraiſemblance eſt l’Ame de la Fiction. On pourroit pourtant diminuer un peu cet Inconvenient, ſi l’on vouloit ſupoſer, que toutes ces Actions guerrieres, & tout cet Equipage, eſt attribué ici à ces Ombres, qui hantent les Bibliotheques, à ce que dit l’Auteur, comme les Ombres des Corps humains rodent autour des Cimetieres. S’il avoit voulu un peu mieux déveloper cet Expedient, l’Imagination du Lecteur en auroit été extrémement ſoulagée. C’eſt dommage que dans certains endroits il paroit boucher lui-même l’ouverture, qu’il nous donne ici, en mettant un Livre veritable à la place d’un Cavalier, avec tout ſon équipage. J’ai trouvé bon de tourner ces endroits un peu autrement, pour ne pas choquer la Critique délicate du Public François.