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de l’esprit

à chaque Mot, à chaque Syllabe, à chaque Lettre, toute l’Operation eſt incomplette ; elle manque les organes de l’Auditeur, & elle force l’artiſan lui-même à mille contorſions inefficaces, pour y ſuppléer.

Il faut ſavoir, que, dans le langage ſpirituel, un certain chant, & un certain bourdonnement, tiennent la place qu’occupent, dans le langage humain, le bon-ſens, & la raiſon ; & que, dans les harangues ſanctifiantes, la diſpoſition des termes conforme aux regles de la grammaire n’eſt d’aucune utilité. Toute la Rhetorique y conſiſte dans le choix & dans l’harmonie des ſyllabes ; & l’Orateur s’y doit prendre de la même maniere, qu’un profond Muſicien, qui, pour faire un air ſur des paroles, en change tellement l’ordre, qu’il en fait du Galimatias, avant que d’en faire une chanſon. Auſſi y a-t-il d’habiles gens, qui ſoutiennent, que l’art de produire ce chant ſpirituel n’eſt jamais dans toute ſa perfection, que quand il eſt conduit & dirigé par l’ignorance. Ils pretendent même, que Plutarque s’eſt expliqué là-deſſus d’une maniere enigmatique, en diſant, que les meil-