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de la I. PREDICTIONS

je pris la réſolution de l’aller voir. Il me reconnut parfaitement bien, parut ſurpris de ma condeſcendance, & m’en temoigna ſa gratitude, autant que ſa foibleſſe pouvoit le lui permettre. Ceux, qui étoient autour de ſon lit, me dirent, qu’il avoit été en délire quelque tems auparavant ; mais, il étoit alors dans ſon Bon-Sens, s’il le fut jamais, & il avoit la parole libre & forte. Après lui avoir exprimé mon chagrin de le voir dans un ſi triſte état, & dit pluſieurs autres choſes obligeantes, je le priai de me dire naturellement, ſi les Prédictions, que M. Bickerftaf avoit publiées touchant ſa mort, n’avoient pas opéré ſur ſon Imagination avec trop de force ? Il m’avoüa, qu’il les avoit eues fort ſouvent dans l’eſprit, ſans en être extrémement effraïé ; mais, qu’il y avoit quinze jours, qu’elles avoient commencé à faire de profondes impreſſions ſur ſon cerveau ; qu’elles s’en étoient entiérement emparées ; & qu’il croyoit, que c’étoit-là effectivement la veritable Cauſe de ſa Maladie. Je ſuis très-perſuadé, pourtant, continua-t-il, que M. Bickerſtaf n’a parlé que par Conjecture, & qu’il ne ſait pas mieux ce qui doit arriver