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LE CONTE DU TONNEAU.

Pour y réuſſir pourtant, les Philoſophes de tous les âges ont pris le parti d’ériger certains édifices dans l’air ; mais, malgré la réputation dont ces ſortes de batimens ont été de tout tems en poſſeſſion, je crois (en ſoumettant mes lumieres à celles des autres) que tous, ſans en excepter le pannier ou ſe ſuſpendit Socrate, pour faciliter ſes Meditations, ont été ſujets à deux inconveniens. Premierement, leur baze étant poſée trop haut, ils ont été d’ordinaire hors de la portée des yeux, & toûjours hors de la portée des oreilles : en ſecond lieu, leurs matériaux étant de leur nature fort[1] tranſitoires ont toûjours ſouffert beaucoup des injures de l’air, ſur-tout dans nos païs ſituez du côté du Nord-Oueſt.

  1. Je crois que l’Auteur a en vuë les Idées Metaphiſiques de la plûpart des philoſophes, qui ſemblent ſe prerdre dans les nuës, ou elles ne ſauroient être atteintes par les ſimples notions du ſens commun : c’eſt pour cette raiſon, qu’il appelle leurs édifices transſitoires, parce que les nuées paſſent vite. Si un autre entend ce paſſage mieux que moi, je l’en félicite : & ſi l’Auteur eſt dans cet endroit inintelligible, ou que ſon Allegorie ſoit peu juſte, tant pis pour lui.