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DU TONNEAU.

te ; les Compagnies, que j’en voulois honorer, étant incapables de m’en ſavoir gré. Pour les autres, il en coûta tant de tortures à mon pauvre eſprit pour leur ménager une heureuſe entrée, que je fus enfin forcé de renoncer au métier penible d’un diſeur de bons-mots. C’eſt à ce mauvais ſuccès pourtant, que je ſuis redevable de la prémierre idée, qui m’eſt venuë de m’ériger en Auteur ; & il a produit le même effet ſur pluſieurs de mes Amis, qui ne s’en repentent pas, non plus que moi. Combien de fois n’arrive-t-il pas, qu’un tour d’eſprit déplacé a fait pitié dans un entretien, & qu’enſuite rectifié par l’impreſſion il a fait merveilles dans un Livre ?

A préſent que, par la liberté de la Preſſe, je ſuis devenu Maitre abſolu des occaſions propres à faire briller mes Lumieres acquiſes, je commence déja à m’apperçevoir, que mon Capital diminue, & que ma dépenſe va beaucoup plus loin, que ma recette. Je ferai bien, par conſequent, d’être un peu plus économe, & de faire de nouvelles épargnes, juſqu’à ce que mes moïens, ſe