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LE CONTE

diſpoſant mon cerveau à la compoſition de cet ouvrage, j’ai fait l’Invention Maîtreſſe de tout, & que je lui ai donné la Raiſon, & la Methode, pour Demoiſelles ſuivantes. J’ai pris cet arrangement, parce que j’ai toûjours obſervé en moi-même, comme une qualité particuliere, une démangeaiſon perpetuelle d’avoir de l’eſprit, dans des occaſions où il s’agiſſoit d’être raiſonnable, ſenſé, & méthodique. J’ai toûjours été trop devoué aux coutumes modernes, pour négliger la moindre aparence d’un bon-mot, qui ſe levât dans mon eſprit, quelques peines que je duſſe emploïer, pour le forcer à entrer dans la converſation. Il eſt vrai que le ſuccès n’a pas toûjours répondu à mon attente ; car, aïant fait avec des peines immenſes une Collection de ſept cens trente huit Fleurs d’Eloquence, ou Saillies ſpirituelles, je n’ai pu en emploïer, pendant cinq ans de tems, qu’une ſeule douzaine, malgré tous mes efforts, pour ſaiſir les vuides de la converſation, afin de les y fourrer comme des chevilles. Pour la moitié encore, ce fut autant d’eſprit ſemé dans la Rivie-