plus rare, que celui de ſavoir bien diſtinguer quand il faut finir quelque choſe. Lorſqu’un Auteur aproche des frontieres de ſon Livre, il croit qu’en chemin faiſant, lui & ſes Lecteurs ſont devenus de vieilles connoiſſances, & qu’ils doivent être au deſeſpoir de ſe ſéparer ; de ſorte que certains Ouvrages reſſemblent à des viſites de cérémonie, où les complimens, qu’on fait en ſe ſéparant, ſont quelquefois plus longs que toute la converſation qui les a précédez. On peut comparer la Concluſion d’un Traité à celle de la Vie humaine, qui peut être comparée à ſon tour à la fin d’un Repas, que peu de convives quittent dès qu’ils ont aſſez mangé, ut conviva ſatur. Ne voit-on pas mille fois, après le Feſtin le plus abondant, les gens reſter aſſis, quand ce ne ſeroit que pour réver, ou pour dormir le reſte du jour. A cet égard-là, je ſuis fort different des autres Auteurs, capables de trouver à redire à un pareil aſſoupiſſement dans leurs Lecteurs. Pour moi, je ſerai charmé, ſi, par mes travaux infatigables, je puis avoir contribué quelque choſe au Repos du Genre-humain, dans un âge ſi tumultueux. Je ne croi pas mène un pareil effet ſi éloi-
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LE CONTE