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LE CONTE

Cerf étoit capable d’étendre cette imperfection ſur tout une forêt, comment pourrions-nous nous étonner de l’abatardiſſement des oreilles humaines ; conſequence naturelle de la mutilation, où les oreilles de nos Peres, & les nôtres, ont été expoſées depuis quelque tems ?

Il eſt vrai que, depuis que notre Ile a été illuminée par la Grace, il y a eu un tems, où l’on a fait de grands efforts pour porter cette partie du Corps humain à ſa grandeur primitive. Son étendue & ſa proportion étoit alors regardée, non ſeulement comme un ornement de l’homme exterieur, mais encor comme un type de la Grace interieure. De plus, les Naturaliſtes nous aſſeurent, que quand il y a une grandeur exceſſive, dans quelque partie ſuperieure du corps humain, comme dans le nez & dans les oreilles, il faut de néceſſité que certaines parties inférieures y répondent. Pour cette raiſon, c’étoit la coutume dans cet âge véritablement pieux, que dans les Aſſemblées chaque homme, à proportion qu’il avoit été favoriſé de ce côté-là par la Nature, étoit fort porté à faire parade de ſes oreilles, & de leurs dépendances. Ils étoient ſi libéraux à les don-