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DU TONNEAU.

fre, de beaume de Galaad, & de l’onguent du Samaritain[1].

Il portoit ſur ſon eſtomac une large emplattre cauſtique, par le moïen de laquelle il jettoit des ſoupirs, & pouſſoit des gemiſſemens, capables de fendre le cœur de ceux qui les entendoient[2].

Quelquefois, il ſe plaçoit au coin d’une ruë ; &, s’adreſſant à ceux, qui paſſoient, il diſoit à l’un, Je vous prie, mon bon Monſieur, favoriſez-moi d’un bon coup de poing dans les dents. A quelque autre, Mon cher Ami, oh ! je vous conjure, faites-moi la grace de me donner un vigoureux coup de pied dans le ventre. Madame, oſerois-je demander à votre

  1. Ce ſont les Sermons, dont quelquefois la Rhetorique eſt un mélange de chaleur, d’aigreur, & de douceur.
  2. Tout le monde connoit les Soupirs & les Gemiſſemens continuels des Bigots. On diroit que ces gens-la prennent la vertu pour une diſpoſion étrangere de l’ame, qui lui donne la torture. Ce qui eſt très-faux, ſur-tout par raport à une Pieté avancée. Elle met l’ame dans ſon plus haut degré de perfection ; &, lui faiſant ſentir fortement l’excellence de la nature, elle doit la remplir de ſatisfaction & de joye : elle doit même répandre la tranquillité, & le contentement, dans tout l’exterieur.