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LE CONTE

monde, & de la garder chez lui, juſqu’à ce que la veritable bête trouve à propos de la reclamer.

Cependant, afin que le ſuſdit animal ne ſe flatte pas de trouver bientôt occaſion de me jouer ce tour, j’avertis le Public, que j’ai réſolu de prodiguer dans le préſent Ouvrage tous les materiaux que j’ai préparez depuis un grand nombre d’années. Je n’en ſerai pas à deux fois : puiſque ma veine eſt ouverte, je ſuis d’humeur à l’épuiſer tout de ſuite en faveur de ma chere Patrie, & pour le bien de toute la Societé humaine. Mes convives font nombreux, & je veux, comme un bon Hôte, mettre tout par écuelles, ſans me ſoucier de mettre les reſtes dans le garde-manger : ce qu’ils laiſſeront dans les plats ſera pour les pauvres ; permis aux chiens, qui ſe trouveront ſous la table, de ronger les os. Je trouve cette maniere d’agir plus noble, que de donner mal au cœur à la Compagnie, en la priant de revenir le lendemain manger les bribes.

Si le Lecteur veut bien conſiderer attentivement la force de ce que j’ai dit dans ma Section qui roule ſur l’Extravagance, je ſuis ſûr qu’il ſentira une ré-