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10 verso
PREFACE

en a au monde ; & il y auroit de la ſottiſe à leur diſputer ces qualitez : mais, ils excellent du coté de l’amour-propre autant que du coté du mérite ; & je n’en ai jamais vu un ſeul, qui parlât avec éloge d’un Livre eſtimé chez eux, & traduit dans un autre Langue. Il faut avouer que leur vanité ſe conduit à cet égard avec beaucoup de fineſſe : ſi un Ouvrage, dont ils font grand cas, déplaît aux Etrangers, c’eſt la faute du Traducteur ; &, s’il eſt aprouvé, ils donnent la plus haute idée de l’Original, en faiſant croire qu’il a été affoibli par la Traduction.

Ils me permettront pourtant de leur dire, qu’en parlant avec mépris généralement de tout ce qui paſſe de leur Langue dans une autre, ils ne peuvent que décrediter leurs Productions dans l’Eſprit des gens qui réfléchiſſent : ils font penſer, qu’il eſt impoſſible de bien traduire leurs Ouvrages ; ce qui fait ſoupçonner naturellement, que ce qui y frappe le plus conſiſte plutôt dans l’Expreſſion, que dans le Sens. Pour moi, qui ſuis au fait, & qui ai lu avec attention ce qu’ils ont produit de plus eſtimé, je ne ſaurois être de cette Opinion ; je ſais