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LE CONTE

à un homme qui a pris medecine : ſi vous approchez de ſa grille dans ſes intervalles de familiarité, Monſieur, dit-il, donnez moi un ſou, & je vous chanterai un air, mais donnez moi le ſou auparavant ; dès qu’il a atrapé l’argent, il ſe replonge dans ſes diſtractions. Ne voila-t-il pas une deſcription complette de la Science de la Cour dans toutes ſes branches ; & n’eſt-ce pas dommage, que des diſpoſitions ſi merveilleuſes reſtent inutiles, faute d’être bien appliquées ?

Avancez vers un autre Cachot, mais aïez la précaution de vous boucher le nez auparavant, vous y découvirez un mortel ſombre, arrogant, & mauſſade, ſe vautrant dans ſes propres ordures. Ses alimens digerez font ſes mets les plus délicieux, qui, après une longue circulation, rentrent peu à peu dans le ſein de la matiere par exhalaiſon. Il a le teint d’un jaune tané, & une barbe foible, ſemblable à celle qui couvre ſa nourriture quand elle commence à perdre ſa fraicheur. Il eſt ſemblable à certains inſectes, qui empruntent la couleur & l’odeur de l’excrément, auquel ils doivent leur naiſſance, & leur nourriture : il eſt fort ſobre en paroles, mais en re-