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DU TONNEAU.

ce Prince en vouloit à la Monarchie univerſelle. Un autre, après une meure déliberation, concluoit, qu’il s’agiſſoit de détrôner le Pape, & d’établir la Religion Proteſtante, dont ce Prince avoit fait autrefois profeſſion. Un troiſiéme, d’une ſagacité encore plus étonnante, envoïoit. notre Heros dans l’Aſie, pour détruire l’Empire Ottoman, & pour conquerir la Terre Sainte[1].

Au milieu de tous ces beaux Raiſonnemens, un certain Chirurgien d’Etat vint à connoître, que tous ces grands Projets n’étoient que l’effet d’un cerveau malade. Il en fut pleinement convaincu par les Syntomes du mal ; & il entreprit de le guerir. Il fit l’operation né-

  1. Des gens, qui raffinoient moins ſur les projets de Souverains, ont debité, que la cauſe de tous ces Préparatifs étoit la Princeſſe de Condé, qui avoit donné de l’amour à ce Monarque ſuſceptible, & qui, pour mettre ſon honneur à l’abri de ſes pourſuites, s’étoit retirée dans les Païs-Bas Catholiques. Ils prétendent, que ſon Amant avoit ramaſſé toutes ces forces redoutables, pour conquerir cette Maîtreſſe cruelle, en l’arrachant d’entre les mains des Eſpagnols. Le grand deſſein dont je viens de parler, & ce Projet bas & mépriſable, ne ſont pas incompatibles dans le fond.