Page:Swift - Le Conte du tonneau - tome 1 - Scheurleer 1732.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
208
LE CONTE

Un certain Prince de par le monde leva un jour une grande armée, remplit ſes coffres de treſors immenſes, & arma une Flotte invincible, ſans communiquer ſon deſſein, ni à ſes plus habiles Miniſtres, ni à ſes plus chers Favoris. Ces grands préparatifs allarmerent d’abord tout le monde : les Monarques voiſins attendirent, en tremblant, de quel côté l’orage devoit crever ; & les Politiques ſubalternes y trouverent la matiere de mille profondes ſpéculations[1]. L’un ſe mettoit dans l’eſprit, que

  1. Ce Prince eſt Henry IV. qui, peu de tems avant ſa mort, fit tous ces Préparatifs dont l’Auteur parle. On les attribua aux deſſeins les plus vaſtes, qui ſont dépeints ici ; mais, l’Auteur oublie un des Projets qu’on attribue à ce Grand Roi ; c’étoit d’établir une Paix perpetuelle dans le Monde, en mettant tous les états de l’Europe dans certaines bornes. C’eſt ce deſſein, qui dans nos jours a donné naiſſance à un Livre très-curieux, qui établit toutes les Maximes neceſſaires, pour parvenir à un but ſi ſouhaitable, & qui s’efforce d’applanir toutes les difficultez, qui pourroient s’y oppoſer. Cet Ouvrage merite d’être lu avec la plus grande attention. Quand il ſeroit deſtitué de ſolidité, ce que perſonne juſqu’ici n’a entrepris de faire voir, il nous donneroit toûjours la Chimere la mieux formée qu’on puiſſe s’imaginer. Il eſt de l’Abbé de St.Pierre,