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DU TONNEAU.

pas une ſeule de fondée ; mais, cela n’empêche pas, que je n’avance une propoſition très-vraie, en diſant que, ſi les plus groſſiers mêmes d’entre les humains ont porté leurs Lumieres naturelles à l’idée d’un Dieu, ou d’un Etre ſuprême ; ils n’ont auſſi jamais oublié d’occuper leurs fraïeurs de quelques notions afreuſes très-propres à leur ſervir de Diables, quand il n’y en auroit point au monde. Il n’y a rien-là, dans le fond, qui ne ſoit fort naturel ; car, il en eſt d’un homme, dont l’imagination prend l’eſſor vers le Ciel, comme d’un autre dont le corps eſt élevé à une grande hauteur. Plus ils ſe plaiſent tous deux à voir de plus près ce qui eſt au-deſſus d’eux, plus ils ſont effraïez par le précipice qu’ils decouvrent en bas. C’eſt ainſi que, dans le choix d’un Diable, le Genre-humain a toujours eu la methode de jetter les yeux ſur quelque être réel ou fantaſtique, dont il conſideroit toutes les qualitez comme diamétralement oppoſées aux attributs qu’il concevoit dans la Divinité.

C’eſt encore de la même maniere, que la Secte des Æoliſtes a toujours craint, & haï, deux êtres d’une nature maligne,