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LE CONTE

venu juſqu’a ſon viſage, il y fait les mêmes impreſſions, qu’il produit ſur la mer. Il le noircit d’abord : il le ride enſuite ; & à la fin il en fait ſortir une épaiſſe fumée.

C’eſt préciſement de cette maniere, que les Æoliſtes ſacrez communiquent leurs Eructations Prophétiques à leurs diſciples haletans. Quelques membres de l’auditoire tiennent cependant la bouche ouverte, pour avaler avec avidité le ſoufle ſanctifiant, tandis que d’autres, chantant les éloges de leurs Dieux, imitent par leur bourdonnement, tantôt plus tantôt moins élevé, les ſoufles agréables de leurs Divinitez appaiſées.

Ce culte, pratiqué parmi les Æoliſtes, donne lieu à pluſieurs Auteurs de ſoutenir, que leur Secte eſt des plus anciennes, parce que leur Eructation Prophetique reſſemble fort à d’autres anciens Oracles, dont on étoit redevable à certaines bouffées de Vent ſouterrain, qui faiſoient les mêmes impreſſions ſur le Prêtre, & qui avoient la même influence ſur l’eſprit du Peuple. Il eſt vrai, que ces Oracles paſſoient ſouvent juſqu’à la multitude, par le canal des Femmes. La raiſon en étoit, ſelon toutes les appa-