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LE CONTE

de les croire, & en les donnant à tous les cent mille Diables.

Il jura un jour, qu’il avoit vû une Vache, qui donnoit aſſez de lait en une ſeule fois, pour en remplir trois mille Egliſes ; & que ce lait ne devenoit jamais aigre, quand on le garderoit pendant dix ou douze ſiécles[1]. Une autre fois, il conta que ſon Pere avoit un vieux Poteau, capable de fournir aſſez de bois & de fer pour conſtruire ſix grands Vaiſſeaux de Guerre.[2]

Dans une Compagnie, où l’on s’entretenoit de certains petits chariots Chinois capables d’aller à la voile par-deſſus les montagnes, il ſe mit à rire. Bon ! dit-il, voilà une belle merveille. J’ai vu, moi, qui vous parle, une grande maiſon, faite de chaux & de briques, faire un voïage, par mer & par terre, de plus de deux mille lieues d’Allemagne. Il eſt vrai qu’elle ſe repoſoit de tems en tems dans quelque gite[3]. Il lardoit ce beau Conte de mille Sermens afreux, qui tendoient à perſuader aux Auditeurs,

  1. Le lait de la Vierge.
  2. Le bois de la croix, qui ne céde en rien au lait de la Vierge dans la Faculté de ſe multiplier.
  3. La Chapelle de N. D. de Lorette.