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LE CONTE

repondit bruſquement Pierre. Nous allez-vous débiter ici quelque plaiſanterie de votre façon ? Nullement, Mylord, repliqua le pauvre garçon. Je m’étois imaginé, que Votre Grandeur avoit parlé d’une piéce de mouton ; & je ne ſerois pas faché de la voir paroître ſur la table. Que voullez-vous dire ? repartit Pierre d’un air fort ſurpris. Je veux mourir, ſi je vous comprends. Le plus jeune trouva à propos là-deſſus de ſe méler de la converſation, afin d’éclaircir la matiere. Mylord, dit-il, mon Frere a faim, aparemment ; & il voudroit bien tater de ce morceau de mouton, que Votre Grandeur vient de nous promettre. Quel peſte de jargon eſt ceci ? repartit Pierre. Avez-vous le Diable au corps l’un & l’autre ? Treve de railleries, s’il vous plait. Si vous, qui avez commencé cette farce, n’aimez pas votre morceau, je m’en vais vous en couper un autre, quoiqu’à mon avis ce ſoit le plus friand Gobet d’appetit de toute l’Epaule. Comment donc, Mylord ! répondit le prémier. C’eſt donc-là une Epaule de mouton, à votre avis ? Monſieur, Monſieur mon Frere, repartit Pierre aigrement, vuidez votre aſſiette, s’il vous plait. Je ne ſuis point du tout en humeur de ſoufrir