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DU TONNEAU.

rive ſouvent à ceux, à qui la vanité fait tourner l’eſprit) il s’appelloit quelque-fois le Monarque de l’Univers, le Dieu tout-puiſſant.

Je l’ai vu un jour, dit mon Auteur prendre trois vieux Chapeaux en pain de ſucre, & ſe les planter ſur la tête l’un deſſus l’autre, comme une Couronne à triple étage. Dans cet état, je l’ai vu ſe montrer aux hommes, avec une Ligne à pêcher à la main, & avec un énorme trouſſeau de Clefs pendu à ſa ceinture.

Dans cette venerable poſture, ſi quelqu’un vouloit lui donner la main en ſigne d’Amitié, il lui tendoit galamment la jambe ; & ſi l’autre ne prenoit pas goût à cette civilité, il la levoit aſſez haut, pour lui ſangler un vigoureux coup de pied ſur les machoires. Voilà ce qu’il apelloit ſaluer les gens. Quand quelqu’un paſſoit devant lui, ſans ſonger à lui faire la reverence, il lui faiſoit tomber le chapeau dans la bouë, en ſouflant deſſus ; car, il avoit le ſoufle d’une force étonnante.

Au milieu de toutes ces extravagances, ſes affaires de famille étoient dans un deſordre pitoïable, & ſes Freres