Page:Swift - Le Conte du tonneau - tome 1 - Scheurleer 1732.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
LE CONTE

eſpece d’ouvrier, qui leve boutique, avec la même facilité qu’un tailleur. Auſſi, ſelon ces detracteurs du merite, il y a une étroite conformité entre les talens & les outils de l’un & de l’autre. L’Œil du tailleur[1] eſt un type parfait des Lieux-communs d’un Critique : & le Carreau du premier repreſente fort au juſte l’eſprit & le ſavoir du ſecond[2] Leur courage eſt de la même nature, & leurs armes ſont d’une figure fort reſſemblante[3].

On peut repondre pluſieurs choſes très-ſolides à toutes ces odieuſes objections. Rien au monde n’eſt plus faux que ce qu’on oſe avancer ſur la facilité, qu’il y a, à s’ériger en vrai Critique. Au contraire, rien n’eſt plus difficile ; & il faut ſe mettre plus en frais, pour être membre privilégié de ce corps, que de tout autre : car, tout de même que, pour

  1. L’Endroit où il jette les lambeaux qu’il vole.
  2. Le Carreau du tailleur applanit les coutures : l’eſprit & le ſavoir du Critique conſiſte à cacher la maniere dont il a couſu enſemble les lambeaux de ces Lieux-Communs.
  3. Les Tailleurs rognent, & piquent : les Critiques en font autant.