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LE CONTE

quelques goûtes, ſa cervelle lui ſort auſſi-tót par les narines.

Il y avoit encore parmi les Anciens une ſorte de Critiques qui ne differoient pas des premiers en eſpece, mais ſeulement en taille, & en degré. Il y a de l’apparence, qu’ils étoient comme les apprentifs des autres ; & cependant on en fait mention, d’ordinaire, comme d’une Secte à part, à cauſe de la difference de leurs occupations. L’exercice ordinaire de ces Etudians étoit de frequenter les Spectacles, & d’y épier les plus mauvais endroits des pieces de théatre, deſquels ils étoient obligés de rendre un conte exact à leurs Gouverneurs. Mis en goût par cette petite proïe, comme de jeunes Loups, ils acqueroient avec le tems aſſez de force & de vigueur, pour ſe jetter ſur une proïe plus conſiderable : car, il a été obſervé par les anciens, auſſi bien que parmi les modernes, qu’un vrai Critique a de commun avec un Echevin & avec une Courtiſane, qu’il ne perd jamais ſon titre ; & qu’un Critique en gerbe a toujours été un Critique en herbe : ſes talens naturels aïant été ſeulement augmentez par ſes lumieres acquiſes ; ſemblable