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DU TONNEAU

parfaitement bien, ajoûte le troiſiéme ; &, ſans s’alambiquer le cerveau d’avantage, ils ſe mirent à acheter le galon d’or le plus large de tout le quartier, & ſe firent braves comme des Milords.

Quelque tems après, la mode vint de doubler les habits d’une petite étoffe de ſatin couleur de feu[1]. Auſſi-tôt un marchand en porta un échantillon à nos Cavaliers. Reverence parler, Meſſieurs, leur dit-il, Mylord Guts & le Chevalier Walter ont pris hier au ſoir des doublures de la même piéce : vous ne ſauriez croire la

  1. Il eſt apparent que, par cette doublure de ſatin couleur de feu, on entend ici la doctrine du Purgatoire, avec toutes ſes dependances, de laquelle les livres ſacrez ne diſent rien, quoique ce ſoit un point tres-eſſentiel. Le Paſſage du Teſtament, qui ordonue aux Freres de ſe précautionner contre le feu, fait alluſion à un paſſage de St. Pierre, où il eſt fait mention de feu, mais d’une maniere qui n’eſt nullement appliquable aux flammes du Purgatoire. Le Codicille, que le Frere Lettré fait ajoûter au Teſtament, & qui, à ce qu’il dit, fut écrit par un Palfrenier de ſon Grand-Pere, deſigne les Livres Apocryphes, qui n’ont aucune autorité. Ils commandent de prier pour les morts ; & en voila aſſez pour les mettre dans le rang des Livres ſacrez, quoiqu’ils en renverſent les Préceptes.