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LE CONTE

vante[1]. Apprenez, mes chers Freres ; qu’il y a deux ſortes de Teſtamens, Nuncupatorium, & Scriptorium ; que le Teftament écrit, que nous avons devant nos yeux, ne fait pas mention de galons d’or, bien loin d’en ordonner poſitivement l’uſage. Conceditur. Mais, ſi on ſoutient la même choſe par raport à une derniere volonté exprimée de vive voix ; negatur : car, mes Freres, vous vous ſouvenez bien ſans doute, que, dans notre enfance, nous avons entendu dire par un certain quidam, qu’il avoit entendu dire d’un valet de notre Pere, qu’il avoit entendu dire de notre Pere lui-même, que nous ferions bien de charger nos habits de galons d’or, dès que nous aurions aſſez d’argent, pour en acheter.

Sur mon Dieu, il n’y a rien de plus vrai, s’écria un autre Frere. Je m’en ſouviens

  1. L’Auteur badine ici avec tout l’eſprit imaginable ſur la Tradition ſur laquelle l’Egliſe Romaine appuie toutes les impertinences, pour leſquelles elle ne trouve pas la moindre baze dans la Révelation. Cette Tradition, quoi qu’ame qui vive ne ſache ce que c’eſt, ni ce qu’elle nous dit de bon, paſſe pourtant pour avoir une autorité égale à celle des Livres ſacrez. Il eſt bon même, qu’elle ne diſe rien du tout : c’eſt le moyen de lui faire dire tout ce que l’on veut.