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soupçons du mari ou de sa maison ; et enfin, mais surtout, comment faire tourner la chose à votre plus grand avantage. Vous donner des instructions complètes dans cette importante affaire, exigerait un gros volume. Tous les rendez-vous à domicile sont dangereux, tant pour votre maîtresse que pour vous-même ; c’est pourquoi faites en sorte, autant que possible, de les avoir chez un tiers, particulièrement si votre maîtresse, comme il y a cent à parier contre un, a plusieurs amants dont chacun est souvent plus jaloux que mille maris ; et de très fâcheuses rencontres peuvent souvent avoir lieu, malgré toute l’habileté du monde. Je n’ai pas besoin de vous avertir d’employer surtout vos bons offices en faveur de ceux que vous trouvez les plus généreux : cependant, si votre maîtresse vient à jeter les yeux sur un beau laquais, vous devez être assez désintéressée pour lui procurer cette fantaisie, qui n’est pas une bizarrerie, mais un appétit très naturel ; c’est encore la moins périlleuse de toutes les intrigues à domicile, et c’était jadis la moins soupçonnée, jusqu’à ce que de nos jours elle devînt plus commune. Le grand danger est que ces messieurs, qui ne sont pas très difficiles dans leurs relations, peuvent bien ne pas être très sains, et alors, votre maîtresse et vous, vous voilà dans une mauvaise passe, quoique pas tout-à-fait désespérée.

Mais à vrai dire, je confesse que c’est une grande présomption à moi de vous offrir des instructions sur la manière dont vous devez conduire les amours de votre maîtresse, point sur lequel tout votre corps est