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on les regarde comme des ânes chargés de livres.

La philosophie chez ces peuples est très-gaie, et ne consiste pas en ergotismes comme dans nos écoles : ils ne savent ce que c’est que baroco et baralipton, que catégories, que termes de la première et de la seconde intention, et autres sottises épineuses de la dialectique, qui n’apprennent pas plus à raisonner qu’à danser. Leur philosophie consiste à établir des principes infaillibles, qui conduisent l’esprit à préférer l’état médiocre d’un honnête homme aux richesses et au faste d’un financier, et les victoires remportées sur ses passions à celles d’un conquérant. Elle leur apprend à vivre durement, et à fuir tout ce qui accoutume les sens à la volupté, tout ce qui rend l’âme trop dépendante du corps et affaiblit sa liberté. Au reste, on leur représente toujours la vertu comme une chose aisée et agréable.

On les exhorte à bien choisir leur état de vie ; et on tâche de leur faire prendre celui qui leur convient le mieux, ayant moins d’égard aux facultés de leurs parens qu’aux facultés de leur âme ; en sorte que le fils d’un laboureur est quelquefois ministre d’État, et le fils d’un seigneur est marchand.

Ces peuples n’estiment la physique et les mathématiques qu’autant que ces sciences sont