Les maîtres d’histoire se mettent moins en peine d’apprendre à leurs élèves la date de tel ou tel événement, que de leur peindre le caractère, les bonnes et les mauvaises qualités des rois, des généraux d’armée et des ministres ; ils croient qu’il leur importe assez peu de savoir qu’en telle année et en tel mois telle bataille a été donnée ; mais qu’il leur importe de considérer combien les hommes dans tous les siècles sont barbares, brutaux, injustes, sanguinaires, toujours prêts à prodiguer leur propre vie sans nécessité et à attenter sur celle des autres sans raison ; combien les combats déshonorent l’humanité, et combien les motifs doivent être puissans pour en venir à cette extrémité funeste : ils regardent l’histoire de l’esprit humain comme la meilleure de toutes, et ils apprennent moins aux jeunes gens à retenir les faits qu’à en juger.
Ils veulent que l’amour des sciences soit borné, et que chacun choisisse le genre d’étude qui convient le plus à son inclination et à son talent : ils font aussi peu de cas d’un homme qui étudie trop que d’un homme qui mange trop, persuadés que l’esprit a ses indigestions comme le corps. Il n’y a que l’empereur seul qui ait une vaste et nombreuse bibliothèque. À l’égard de quelques particuliers qui en ont de trop grandes,