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croître heureusement, de les défendre contre les rigueurs de l’hiver, contre les ardeurs et les orages de l’été, contre les attaques des insectes, de leur faire enfin porter des fruits en abondance, c’est l’effet de l’attention et des peines d’un jardinier habile.

Ils prennent garde que le maître ait plutôt un esprit bien fait qu’un esprit sublime, plutôt des mœurs que de la science ; ils ne peuvent souffrir ces maîtres qui étourdissent sans cesse les oreilles de leurs disciples de combinaisons grammaticales, de discussions frivoles, de remarques puériles, et qui, pour leur apprendre l’ancienne langue de leur pays, qui n’a que peu de rapport à celle qu’on y parle aujourd’hui, accablent leur esprit de règles et d’exceptions, et laissent là l’usage et l’exercice, pour farcir leur mémoire de principes superflus et de préceptes épineux : ils veulent que le maître se familiarise avec dignité, rien n’étant plus contraire à la bonne éducation que le pédantisme et le sérieux affecté ; il doit, selon eux, plutôt s’abaisser que s’élever devant son disciple ; et ils jugent l’un plus difficile que l’autre, parce qu’il faut souvent plus d’effort et de vigueur, et toujours plus d’attention pour descendre sûrement que pour monter.

Ils prétendent que les maîtres doivent bien