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toute la flotte des ennemis, qui, selon le rapport de ceux que nous envoyions à la découverte, était dans le port, prête à mettre à la voile au premier vent favorable. Je consultai les plus expérimentés dans la marine pour apprendre d’eux quelle était la profondeur du canal, et ils me dirent qu’au milieu, dans la plus haute marée, il était profond de soixante et dix glumgluffs (c’est-à-dire environ de six pieds selon la mesure de l’Europe), et le reste de cinquante glumgluffs au plus. Je m’en allai secrètement vers la côte nord-est, vis-à-vis de Blefuscu ; et, me couchant derrière une colline, je tirai ma lunette et vis la flotte de l’ennemi composée de cinquante vaisseaux de guerre et d’un grand nombre de vaisseaux de transport. M’étant ensuite retiré, je donnai ordre de fabriquer une grande quantité de câbles, les plus forts qu’on pourrait, avec des barres de fer. Les câbles devaient être environ de la grosseur d’une aiguille à tricoter. Je triplai le câble pour le rendre encore plus fort ; et, pour la même raison, je tortillai ensemble trois des barres de fer, et attachai à chacune un crochet. Je retournai à la côte du nord-est ; et, mettant bas mon juste-au-corps, mes souliers et mes bas, j’entrai dans la mer.