Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tombant, si un des coussins du roi ne l’eût préservé.

Il y a un autre divertissement qui n’est que pour l’empereur, l’impératrice et pour le premier ministre. L’empereur met sur une table trois fils de soie très-déliés, longs de six pouces ; l’un est cramoisi, le second jaune, et le troisième blanc. Ces fils sont proposés comme des prix à ceux que l’empereur veut distinguer par une marque singulière de sa faveur. La cérémonie est faite dans la grand’chambre d’audience de sa majesté, où les concurrens sont obligés de donner une preuve de leur habileté, telle que je n’ai rien vu de semblable dans aucun autre pays de l’ancien ou du nouveau monde.

L’empereur tient un bâton, les deux bouts parallèles à l’horizon, tandis que les concurrens, s’avançant successivement, sautent par-dessus le bâton. Quelquefois l’empereur tient un bout, et son premier ministre tient l’autre : quelquefois le ministre le tient tout seul. Celui qui réussit le mieux et montre plus d’agilité et de souplesse en sautant est récompensé de la soie cramoisie ; la jaune est donnée au second, et la blanche au troisième. Ces fils, dont ils font des baudriers, leur servent dans la suite d’ornement, et, les distinguant du vulgaire, leur inspirent une noble fierté.