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j’étais, d’où je venais, avec plusieurs autres questions pareilles. Je leur répondis que j’étais né en Angleterre, d’où j’étais parti il y avait environ cinq ans, et qu’alors la paix régnait entre leur pays et le mien ; qu’ainsi j’espérais qu’ils voudraient bien ne me point traiter en ennemi, puisque je ne leur voulais aucun mal, et que j’étais un pauvre yahou qui cherchais quelque île déserte où je pusse passer dans la solitude le reste de ma vie infortunée.

Lorsqu’ils me parlèrent, d’abord je fus saisi d’étonnement, et je crus voir un prodige. Cela me paraissait aussi extraordinaire que si j’entendais aujourd’hui un chien ou une vache parler en Angleterre. Ils me répondirent, avec toute l’humanité et toute la politesse possibles que je ne m’affligeasse point, et qu’ils étaient sûrs que leur capitaine voudrait bien me prendre sur son bord, et me mener gratis à Lisbonne, d’où je pourrais passer en Angleterre ; que deux d’entre eux iraient dans un moment trouver le capitaine pour l’informer de ce qu’ils avaient vu, et recevoir ses ordres ; mais qu’en même temps, à moins que je ne leur donnasse ma parole de ne point m’enfuir, ils allaient me lier. Je leur dis qu’ils feraient de moi tout ce qu’ils jugeraient à propos.

Ils avaient bien envie de savoir mon histoire