CHAPITRE XI.
Je commençai ce malheureux voyage le 15 février, l’an 1715, à neuf heures du matin. Quoique j’eusse le vent favorable, je ne me servis d’abord que de mes rames : mais, considérant que je serais bientôt las, et que le vent pouvait changer, je me risquai de mettre à la voile ; et de cette manière, avec le secours de la marée, je cinglai environ l’espace d’une heure et demie. Mon maître avec tous les Houyhnhnms de sa compagnie restèrent sur le rivage jusqu’à ce qu’ils m’eussent perdu de vue, et j’entendis plusieurs fois mon cher ami l’alezan crier : Hnuy illa nyha majah yahou, c’est-à-dire, prends bien garde à toi, gentil yahou.
Mon dessein était de découvrir, si je pouvais, quelque petite île déserte et inhabitée, où je trouvasse seulement ma nourriture et de quoi me vêtir. Je me figurais, dans un pareil séjour,