Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/390

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de leur conversation. La compagnie me faisait quelquefois des questions auxquelles j’avais l’honneur de répondre. J’accompagnais aussi mon maître dans ses visites ; mais je gardais toujours le silence, à moins qu’on ne m’interrogeât. Je faisais le personnage d’auditeur avec une satisfaction infinie : tout ce que j’entendais était utile et agréable, et toujours exprimé en peu de mots, mais avec grâce : la plus exacte bienséance était observée sans cérémonie ; chacun disait et entendait ce qui pouvait lui plaire. On ne s’interrompait point, on ne s’assommait point de récits longs et ennuyeux, on ne discutait point, on ne chicanait point.

Ils avaient pour maxime que dans une compagnie il est bon que le silence règne de temps en temps ; et je crois qu’ils avaient raison. Dans cet intervalle et pendant cette espèce de trêve l’esprit se remplit d’idées nouvelles, et la conversation en devient ensuite plus animée et plus vive. Leurs entretiens roulaient d’ordinaire sur les avantages et les agrémens de l’amitié, sur les devoirs de la justice, sur la bonté, sur l’ordre, sur les opérations admirables de la nature, sur les anciennes traditions, sur les conditions et les bornes de la vertu, sur les règles invariables de la raison, quelquefois sur les délibérations de la pro-