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semblables, surtout ayant une fois vu mes manches retroussées, avec ma poitrine et mes bras découverts. Ils voulurent pour lors s’approcher de moi, et ils se mirent à me contrefaire en se dressant sur leurs pieds de derrière, en levant la tête et en mettant une de leurs pattes sur le côté. La vue de ma figure les faisait éclater de rire. Ils me témoignèrent néanmoins de l’aversion et de la haine, comme font toujours les singes sauvages à l’égard d’un singe apprivoisé qui porte un chapeau, un habit et des bas.

Il ne m’arriva avec eux qu’une aventure. Un jour qu’il faisait fort chaud, et que je me baignais, une jeune yahousse me vit, se jeta dans l’eau, s’approcha de moi, et se mit à me serrer de toute sa force. Je poussai de grands cris, et je crus qu’avec ses griffes elle allait me déchirer ; mais, malgré la fureur qui l’animait, et la rage peinte dans ses yeux, elle ne m’égratigna seulement pas. L’alezan accourut et la menaça, et aussitôt elle prit la fuite. Cette histoire ridicule, ayant été raconté à la maison, réjouit fort mon maître et toute sa famille, mais elle me causa beaucoup de honte et de confusion. Je ne sais si je dois remarquer que cette yahousse avait les cheveux noirs, et la peau bien moins brune que toutes celles que j’avais vues.

Comme j’ai passé trois années entières dans