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longer nos vices. Comme j’étais du métier, j’expliquai avec plaisir à son honneur la méthode de nos médecins et tous nos mystères de médecine. Il faut supposer d’abord, lui dis-je, que toutes nos maladies viennent de réplétion, d’où nos médecins concluent sensément que l’évacuation est nécessaire, soit par en haut soit par en bas. Pour cela, ils font un choix d’herbes, de minéraux, de gommes, d’huiles, d’écailles, de sels, d’excrémens, d’écorces d’arbres, de serpens, de crapauds, de grenouilles, d’araignées, de poissons ; et de tout cela ils nous composent une liqueur d’une odeur et d’un goût abominables, qui soulève le cœur, qui fait horreur, qui révolte tous les sens. C’est cette liqueur que nos médecins nous ordonnent de boire pour l’évacuation supérieure, qu’on appelle vomissement. Tantôt ils tirent de leur magasin d’autres drogues, qu’ils nous font prendre, soit par l’orifice d’en haut, soit par l’orifice d’en bas, selon leur fantaisie : c’est alors ou une médecine qui purge les entrailles et cause d’effroyables tranchées, ou bien un remède qui lave et relâche les intestins. La nature, disent-ils fort ingénieusement, nous a donné l’orifice supérieur et visible pour ingérer, et l’orifice inférieur et secret pour égérer : or la maladie change la disposition naturelle du