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donne leurs cadavres aux oiseaux de proie, aux chiens et aux loups, qui les dévorent. Telle est, dans mon pays, la fin des plus beaux et des plus nobles Houyhnhnms. Mais ils ne sont pas tous aussi bien traités et aussi heureux dans leur jeunesse que ceux dont je viens de parler ; il y en a qui logent dès leurs premières années chez des laboureurs, chez des charretiers, chez des voituriers, et autres gens semblables, chez qui ils sont obligés de travailler beaucoup, quoique fort mal nourris. Je décrivis alors notre façon de voyager à cheval, et l’équipage d’un cavalier. Je peignis le mieux qu’il me fut possible la bride, la selle, les éperons, le fouet, sans oublier ensuite tous les harnais des chevaux qui traînent un carrosse, une charrette ou une charrue. J’ajoutai que l’on attachait au bout des pieds de tous nos Houyhnhnms une plaque d’une certaine substance très-dure, appelée fer, pour conserver leur sabot et l’empêcher de se briser dans les chemins pierreux.

Mon maître parut indigné de cette manière brutale dont nous traitons les Houyhnhnms dans notre pays. Il me dit qu’il était très-étonné que nous eussions la hardiesse et l’insolence de monter sur leur dos ; que si le plus vigoureux de ses yahous osait jamais prendre cette liberté à l’égard du plus petit Houyhnhnm de ses domesti-