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Je dis à son honneur que je venais d’un pays très-éloigné, comme j’avais déjà essayé de lui faire entendre, accompagné d’environ cinquante de mes semblables ; que, dans un vaisseau, c’est-à-dire dans un bâtiment formé avec des planches, nous avions traversé les mers. Je lui décrivis la forme de ce vaisseau le mieux qu’il me fut possible, et, ayant déployé mon mouchoir, je lui fis comprendre comment le vent qui enflait les voiles nous faisait avancer. Je lui dis qu’à l’occasion d’une querelle qui s’était élevée parmi nous, j’avais été exposé sur le rivage de l’île où j’étais actuellement ; que j’avais été d’abord fort embarrassé, ne sachant où j’étais, jusqu’à ce que son honneur eût eu la bonté de me délivrer de la persécution des vilains yahous. Il me demanda alors qui avait formé ce vaisseau, et comment il se pouvait que les Houyhnhnms de mon pays en eussent donné la conduite à des animaux brutes ? Je répondis qu’il m’était impossible de répondre à sa question et de continuer mon discours, s’il ne me donnait sa parole, et s’il ne me promettait sur son honneur et sur sa conscience de ne point s’offenser de tout ce que je lui dirais ; qu’à cette condition seule je poursuivrais mon discours, et lui exposerais avec sincérité les choses merveilleuses que je lui avais promis de lui raconter.