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ses domestiques, à concourir tous avec zèle à me perfectionner dans la langue, et tous les jours il y consacrait lui-même deux ou trois heures.

Plusieurs chevaux et cavales de distinction vinrent alors rendre visite à mon maître, excités par la curiosité de voir un yahou surprenant, qui, à ce qu’on leur avait dit, parlait comme un Houyhnhnm, et faisait reluire dans ses manières des étincelles de raison. Ils prenaient plaisir à me faire des questions à ma portée, auxquelles je répondais comme je pouvais. Tout cela contribuait à me fortifier dans l’usage de la langue ; en sorte qu’au bout de cinq mois j’entendais tout ce qu’on me disait et m’exprimais assez bien sur la plupart des choses.

Quelques Houyhnhnms, qui venaient à la maison pour me voir et me parler, avaient de la peine à croire que je fusse un vrai yahou, parce que, disaient-ils, j’avais une peau fort différente de ces animaux ; ils ne me voyaient, ajoutaient-ils, une peau à peu près semblable à celle des yahous que sur le visage et sur les pattes de devant, mais sans poil. Mon maître savait bien ce qui en était ; car une chose qui était arrivée environ quinze jours auparavant m’avait obligé de lui découvrir ce mystère, que je lui avais toujours caché jusqu’alors, de peur