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de sa sorte, qui accoururent vers moi en me faisant des grimaces horribles. Je courus vers un arbre, et me mis le dos contre, tenant mon sabre devant moi : aussitôt ils sautèrent aux branches de l’arbre, et commencèrent à décharger sur moi leur ordure ; mais tout-à-coup ils se mirent tous à fuir.

Alors je quittai l’arbre et poursuivis mon chemin, étant assez surpris qu’une terreur soudaine leur eût ainsi fait prendre la fuite ; mais, regardant, à gauche, je vis un cheval marchant gravement au milieu d’un champ : c’était la vue de ce cheval qui avait fait décamper si vite la troupe qui m’assiégeait. Le cheval, s’étant approché de moi, s’arrêta, recula, et ensuite me regarda fixement, paraissant un peu étonné : il me considéra de tous côtés, tournant plusieurs fois autour de moi. Je voulus avancer, mais il se mit vis-à-vis de moi dans le chemin, me regardant d’un œil doux, et sans me faire aucune violence. Nous nous considérâmes l’un l’autre pendant un peu de temps ; enfin je pris la hardiesse de lui mettre la main sur le cou pour le flatter, sifflant et parlant à la façon des palefreniers lorsqu’ils veulent caresser un cheval ; mais l’animal superbe, dédaignant mon honnêteté et ma politesse, fronça ses sourcils et leva fièrement un de ses pieds de devant pour m’o-