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la perfidie, le pandarisme[1], et autres pareilles bagatelles qui méritent peu d’attention ; mais ce qui en mérite davantage, c’est que plusieurs confessèrent qu’ils devaient leur élévation à la facilité qu’ils avaient eue, les uns de se prêter aux plus horribles débauches, les autres de livrer leurs femmes et leurs filles, d’autres de trahir leur patrie et leur souverain, et quelques-uns de se servir du poison. Après ces découvertes, je crois qu’on me pardonnera d’avoir désormais un peu moins d’estime et de vénération pour la grandeur, que j’honore et respecte naturellement, comme tous les inférieurs doivent faire à l’égard de ceux que la nature ou la fortune ont placés dans un rang supérieur.

J’avais lu dans quelques livres que des sujets avaient rendu de grands services à leur prince et à leur patrie ; j’eus envie de les voir ; mais on me dit qu’on avait oublié leurs noms, et qu’on se souvenait seulement de quelques-uns, dont les citoyens avaient fait mention en les faisant passer pour des traîtres et des fripons. Ces gens de bien, dont on avait oublié les noms, parurent cependant devant moi, mais avec un air humilié et en mauvais équipage : ils me dirent

  1. En anglais pandarism, mot forgé qu’on rend ici sans le traduire, et qui s’entend aisément.