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contenant une méthode curieuse pour découvrir les complots et les cabales, qui était d’examiner la nourriture des personnes suspectes, le temps auquel elles mangent, le côté sur lequel elles se couchent dans leur lit, et de quelle main elles se torchent le derrière ; de considérer leurs excrémens, et de juger par leur odeur et leur couleur des pensées et des projets d’un homme, d’autant que, selon lui, les pensées ne sont jamais plus sérieuses et l’esprit n’est jamais si recueilli que lorsqu’on est à la selle, ce qu’il avait éprouvé lui-même. Il ajoutait que, lorsque, pour faire seulement des expériences, il avait parfois songé à l’assassinat d’un homme, il avait alors trouvé ses excrémens très-jaunes, et que, lorsqu’il avait pensé à se révolter et à brûler la capitale, il les avait trouvés d’une couleur très-noire.

Je me hasardai d’ajouter quelque chose au système de ce politique : je lui dis qu’il serait bon d’entretenir toujours une troupe d’espions et de délateurs, qu’on protégerait, et auxquels on donnerait toujours une somme d’argent proportionnée à l’importance de leur dénonciation, soit qu’elle fût fondée ou non ; que par ce moyen les sujets seraient retenus dans la crainte et dans le respect ; que ces délateurs et accusateurs seraient autorisés à donner quel sens il