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Six de l’équipage, dont j’étais un, s’étant jetés à propos dans la chaloupe, trouvèrent le moyen de se débarrasser du vaisseau et du roc. Nous allâmes à la rame environ trois lieues ; mais à la fin la lassitude ne nous permit plus de ramer. Entièrement épuisés, nous nous abandonnâmes au gré des flots, et bientôt nous fûmes renversés par un coup de vent du nord.

Je ne sais quel fut le sort de mes camarades de la chaloupe, ni de ceux qui se sauvèrent sur le roc, ou qui restèrent dans le vaisseau, mais je crois qu’ils périrent tous : pour moi, je nageai à l’aventure, et fus poussé, vers la terre par le vent et la marée. Je laissai souvent tomber mes jambes, mais sans toucher le fond. Enfin, étant près de m’abandonner, je trouvai pied dans l’eau. Et alors la tempête était bien diminuée. Comme la pente était presque insensible, je marchai une demi-lieue dans la mer avant que j’eusse pris terre. Je fis environ un quart de lieue sans découvrir aucune maison ni aucun vestige d’habitans, quoique ce pays fût très-peuplé. La fatigue, la chaleur et une demi-pinte d’eau-de-vie que j’avais bue en abandonnant le vaisseau, tout cela m’excita à dormir. Je me couchai sur l’herbe, qui était très-fine, où je fus bientôt enseveli dans un profond sommeil, qui dura neuf heures. Au bout