moyen desquels un homme seul pourrait travailler autant que dix, et un palais pourrait être bâti en une semaine de matières si solides, qu’il durerait éternellement sans avoir besoin de réparation : tous les fruits de la terre devaient naître dans toutes les saisons, plus gros cent fois qu’à présent, avec une infinité d’autres projets admirables. C’est dommage, continua-t-il, qu’aucun de ces projets n’ait été perfectionné jusqu’ici, qu’en peu de temps toute la campagne ait été misérablement ravagée, que la plupart des maisons soient tombées en ruine, et que le peuple tout nu meure de froid, de soif et de faim. Avec tout cela, loin d’être découragés, ils en sont plus animés à la poursuite de leurs systèmes, poussés tour à tour par l’espérance et par le désespoir. Il ajouta que, pour ce qui était de lui, n’étant pas d’un esprit entreprenant, il s’était contenté d’agir selon l’ancienne méthode, de vivre dans les maisons bâties par ses ancêtres, et de faire ce qu’ils avaient fait, sans rien innover ; que quelque peu de gens de qualité avaient suivi son exemple, mais avaient été regardés avec mépris, et s’étaient même rendus odieux, comme gens mal intentionnés, ennemis des arts, ignorans, mauvais républicains, préférant leur commodité et leur molle fainéantise au bien général du pays.
Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/244
Cette page a été validée par deux contributeurs.