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souhaiterait : nous partîmes donc le lendemain au matin.

Durant notre voyage, il me fit observer les différentes méthodes des laboureurs pour ensemencer leurs terres. Cependant, excepté en quelques endroits, je n’avais découvert dans tout le pays aucune espérance de moisson, ni même aucune trace de culture ; mais, ayant marché encore trois heures, la scène changea entièrement. Nous nous trouvâmes dans une très-belle campagne. Les maisons des laboureurs étaient un peu éloignées et très-bien bâties ; les champs étaient clos et renfermaient des vignes, des pièces de blé, des prairies, et je ne me souviens pas d’avoir rien vu de si agréable. Le seigneur, qui observait ma contenance, me dit alors en soupirant que là commençait sa terre ; que néanmoins les gens du pays le raillaient et le méprisaient de ce qu’il n’avait pas mieux fait ses affaires.

Nous arrivâmes enfin à son château, qui était d’une très-noble structure ; les fontaines, les jardins, les promenades, les avenues, les bosquets, étaient tous disposés avec jugement et avec goût. Je donnai à chaque chose des louanges, dont son excellence ne parut s’apercevoir qu’après le souper. Alors, n’y ayant point de tiers, il me dit d’un air fort triste qu’il ne savait s’il ne lui faudrait pas bientôt abattre ses maisons