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ficelles avec des petits plombs au bout, afin que le peuple attachât ses placets à ces ficelles, qu’on tirait ensuite, et qui semblaient en l’air autant de cerfs-volans.

La connaissance que j’avais des mathématiques m’aida beaucoup à comprendre leur façon de parler, et leurs métaphores, tirées la plupart des mathématiques et de la musique ; car je suis un peu musicien. Toutes[1] leurs idées n’étaient qu’en lignes et en figures, et leur galanterie même était toute géométrique. Si, par exemple, ils voulaient louer la beauté d’une fille, ils disaient que ses dents blanches étaient de beaux et parfaits parallélogrammes, que ses sourcils étaient un arc charmant ou une belle portion de cercle, que ses yeux formaient une ellipse admirable, que sa gorge était décorée de deux globes asymptotes, et ainsi du reste. Le sinus, la tangente, la ligne droite, le cône, le cylindre, l’ovale, la parabole, le diamètre, le rayon, le centre, le point, sont parmi eux des termes qui entrent dans le langage de l’amour.

  1. « Il ne tiendra pas à moi, dit l’auteur du Traité de la Pesanteur dans une lettre insérée dans le Mercure de janvier 1727, que tout le monde ne soit géomètre, et que la géométrie ne devienne un style de conversation, comme la morale, la physique, l’histoire et la gazette. »